Date : 06 01 2003
Source :
http://www.genethique.org/revues/revues/2003/janvier/06_01_03.htm#2
Dans le Figaro, Monette Vacquin, psychanalyste, dénonce la pratique
du clonage reproductif. Elle rappelle que le clonage est avant tout
un passage du « semblable » à « l’invraisemblable », « un tour de
force en matière de défi pervers ». Pour elle, ce clonage est une
rupture dans la transmission des identifications humaines.
En examinant les liens familiaux entre le clone et sa mère, Monette
Vacquin souligne combien la destruction de la filiation peut mettre
en danger l’équilibre psychique de la petite Eve car « l’enjeu vital
de la vie psychique, c’est rappelons-le, de se différencier ». Mais
surtout elle s’inquiète de voir qu’une société peut en arriver là. «
Pourquoi une société émet un tel symptôme de rupture et de haine.
Quel sens cela peut-il bien avoir ? » « Et que fait la science à ce
rendez-vous ? ». Cette transgression est un symptôme de psychose.
Malgré le langage candide et sentimental utilisé depuis des années
en bioéthique force est de reconnaître que le clonage casse le sens.
En une génération, notre société ne connaît plus de limites à la
démesure. La notion « d’indisponible » ou de « sacré » n’existe
plus. Tout peut être objet de commerce. Il est indispensable que le
législateur sorte du langage de « nursery » de la bioéthique. Il est
urgent d’y réfléchir.
Axel Kahn dénonce la communication très stratégique utilisée par les
raëliens auprès du grand public pour que l'idée et l'image du clone
deviennent positives, voire inéluctables. Axel Kahn s'inquiète car
"l'opposition du public pourrait finir par céder sous les coups du
clonage" d'autant que "les chercheurs et les médecins sont loin
d'êtres unanimes à condamner définitivement le clonage reproductif
sur des bases philosophiques". Ainsi, en décembre 2001 (cf. revue de
presse du 22/01/02), l'académie américaine des sciences après avoir
écouté Brigitte Boisselier, les Prs Zavos et Antinori, avait estimé
qu'il ne fallait pas autoriser le clonage reproductif. Elle ne
justifiait pas ce refus pour des raisons morales mais parce que la
technique n'était pas au point. Axel Kahn prévient que nombreux sont
ceux qui défendraient le clonage d'être humain selon "une
philosophie morale utilisatrice dont le principe est d'éviter la
douleur et de maximiser les conditions d'épanouissement de
l'individu". Et pourtant il rappelle que "la prise en compte des
intérêts individuels ne sauraient résumer l'exigence éthique".
Par le clonage, l'homme se fait maître du corps et de l'esprit d'un
autre homme. Les prédispositions génétiques du clone sont donc
figées à l'image de son "géniteur" au lieu d'être le résultat de la
"loterie" génétique de l'hérédité. Pour Axel Kahn, "attenter à cette
base biologique de l'altérité" c'est "une atteinte aux droits de
l'homme et un crime".
Il montre que la démocratie est l'ennemi du clonage. La démocratie
se doit de protéger les plus faibles de ses citoyens dont l'enfant
cloné qui court le danger d'être aliéné par sa prédétermination
génétique absolue.
Quant au non aboutissement d'un accord international interdisant le
clonage humain, si les Etats Unis font blocage en demandant un refus
de toute forme de clonage (reproductif et thérapeutique), Axel Kahn
estime que les scientifiques s'obstinant à défendre le clonage
thérapeutique empêchent tout autant d'aboutir à une interdiction
universelle du clonage reproductif. Or à la lecture des récentes
analyses sur les perspectives du clonage thérapeutique on ne peut
que conclure qu'elles sont "extraordinairement irréalistes",
souligne Axel Kahn. Pour lui, la justification de la recherche sur
les embryons de clones humains n'est pas thérapeutique. Elle est
seulement cognitive, c'est à dire servant la compréhension de
phénomènes cellulaires fondamentaux.
A ceux qui légitiment la pratique du clonage en prétendant que
lorsqu'une nouvelle technique existe, elle finit par être utilisée,
Axel Kahn répond que la science n'est pas un mécanisme interne dans
lequel toutes les techniques disponibles sont obligatoirement
légalisées. Le choix de pratiquer ou d'interdire ces techniques
relève de la volonté humaine.
Michel Revel, professeur de génétique moléculaire en Israël et
président du Comité de bioéthique de l’Académie des sciences
d’Israël estime intolérable que de telles expérimentations aient eu
lieu sur l’homme alors que la technique n’est à l’heure actuelle
absolument pas maîtrisée. Il s’agit là d’une véritable violation des
règles de bioéthique. Toutefois, Michel Revel pense que si cette
technique pouvait être sûre et efficace et si elle ne faisait pas
appel à une recherche productive, il n’y aurait aucune raison pour
la considérer comme contraire à la dignité humaine. Dans ce cas, le
clonage pourrait être utilisé dans des indications médicales
précises que définirait l’éthique médicale. Et de rappeler que la
fécondation in vitro a elle aussi provoqué un véritable tollé à ses
débuts mais que cette technique est aujourd’hui acceptée dans de
nombreux pays. L’interdiction actuelle du clonage reproductif est
aujourd’hui justifiée estime Michel Revel car la « méthode est
dangereuse, gaspille trop d’ovules, et les effets secondaires sur le
développement de l’organisme cloné sont trop mal compris » explique
t-il mais il ne faut pas « diaboliser la science, qui ne fait que
proposer des possibilités qu’il est du devoir de l’homme d’utiliser
pour le bien, renforçant ainsi la dignité humaine ». Enfin, Michel
Revel estime que le clonage thérapeutique est non seulement justifié
au vu de ses perspectives thérapeutiques mais que c’est aussi la
meilleure voie pour déterminer si la technique du clonage
reproductif peut être appliquée sans danger.
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